Addiction : cette maladie complexe hors de notre volonté

Aujourd’hui, on entend souvent dire "je suis addict" dès que quelqu'un fait quelque chose avec intensité ou en excès. Que ce soit pour des loisirs ou même des habitudes alimentaires, le terme est souvent banalisé. Pourtant, la dépendance, ou addiction, est une maladie complexe et chronique, bien différente d’une consommation excessive ou d’un manque de volonté.

Alors, qu’est-ce que l’addiction réellement ? Comment se développe-t-elle et quelles sont ses répercussions sur la santé ? Voici un éclairage basé sur des données médicales pour mieux comprendre cette maladie qui touche aujourd’hui pratiquement toutes les familles de près ou de loin.

Qu'est-ce que l'addiction ?

L'addiction est une maladie qui implique notamment les circuits de la récompense et de la dopamine, un neurotransmetteur associé au plaisir et à la motivation. Lorsqu'une personne consomme une substance ou adopte un comportement addictif (alcool, drogues, jeux, etc.), il se produit une libération massive de dopamine, créant une sensation de plaisir intense.

Cependant, avec le temps, le cerveau s’habitue à ces niveaux élevés de dopamine et en réclame davantage pour atteindre la même satisfaction, ce qui conduit à la répétition du comportement. Cette dynamique crée un cercle vicieux interminable puisque la personne cherche à reproduire le plaisir initial, en vain, jusqu’à perdre le contrôle et devenir esclave et prisonnier du comportement addictif. C’est justement parce qu’il s’agit d’une atteinte du système de la récompense et que ces mécanismes sont plus forts que nous et en dehors de notre contrôle que l’addiction n’est en rien une question de volonté.

Les 5 signes d’une addiction du point de vue de la médecine

Le Professeur Laurent Karila, psychiatre et addictologue renommé, propose une approche simple pour définir l’addiction à travers la "règle des 5C" :

  1. Contrôle : la personne perd de contrôle face à la substance ou le comportement.

  2. Consommation : la personne est envahie par une envie irrépressible, ce qu’on appelle le "craving", de consommer

  3. Compulsion : la personne n’est plus maître de ces comportements qui deviennent automatique et inévitables.

  4. Chronique : l’usage doit être chronique et répété régulièrement dans le temps, même si le comportement n’est pas quotidien et que la dépendance ne s’évalue pas en fréquence ou quantité, il faut que les symptômes persistent sur plusieurs mois

  5. Conséquences : la personne va continue son comportement malgré des conséquences négatives sur sa santé, sa vie sociale ou professionnelle, c’est à a dire que même en voyant les effets concrets négatifs elle ne peut plus s’arrêter

Addiction, usage nocif, abus : des notions à différencier

Il est important de distinguer addiction et consommation excessive. Une personne peut avoir des habitudes de consommation nocives pour sa santé sans pour autant être dépendante. Par exemple, une consommation excessive d'alcool peut causer des dégâts importants sur la santé (cirrhose, maladies cardiovasculaires, etc.) sans qu'il y ait nécessairement une dépendance associée. La distinction entre addiction et usage nocif vient vraiment du comportement associé, l'addiction implique une perte de contrôle, des envies irrépressibles très intenses, des répercussions négatives sur le fonctionnement et la santé, et une persistance du comportement malgré les problèmes que cela cause. Cette distinction est cruciale pour comprendre la nature de cette maladie et pour la prendre en charge efficacement, car l’addiction est complexe multifactorielle et nécessite un accompagnement à 360°.

De plus, la quantité ou la fréquence de consommation ne suffit pas à définir la dépendance. Ainsi les préjugés qui voudraient qu’un alcoolo-dépendant boit forcément le matin ou ne peut pas passer quelques jours sans boire, sont faux, l’addiction ce n’est pas une question de quantité ou de moment de consommation c’est toutes les pensées, obsessions et répercussions autour.

Les facteurs de risque de l’addiction : une maladie multifactorielle

L’addiction est une maladie complexe, favorisée pas plusieurs types de facteurs ce qui fait qu’on ne peut pas prévoir qui va développer une addiction ou non. On peut citer comme facteurs favorisants :

  • Facteurs biologiques : des altérations au niveau du fonctionnement du cerveau sont impliquées dans les addictions

  • Génétique : le terrain génétique est également un facteur de risque, certaines personnes ont une prédisposition génétique et on sait malheureusement qu’une personne ayant des parents souffrant de dépendance à risque plus important de développer une dépendance

  • Environnement : les traumatismes, les situations de stress, l’histoire et les événements de vie sont autant d’éléments qui peuvent favoriser l’addictions

  • Troubles psychiques : par exemple l’anxiété, la dépression, les troubles du comportements alimentaires, la personnalité borderline, et les TDAH (troubles déficitaires de l’attention et hyperactivité) sont plus souvent associés à l’addiction. Cette donnée est très importante car l’addiction est souvent l’arbre qui cache la forêt, il y a souvent des troubles psychiques associés qui nourrissent la dépendance et nécessite absolument d’être considérés et prise en charge pour soigner l’addiction.

Les conséquences de l’addiction : souffrance intense et impact majeur sur la qualité de vie

L'addiction a des conséquences multiples, c’est pour ça que sa prise en charge doit être le plus globale et intégrative possible. Sur le plan physique, elle peut entraîner des complications graves : cancers, maladies cardiovasculaires, hépatites, etc. ce qui fait qu’un bilan médical est souvent indispensable en complément de la prise en charge psychologique. Sur le plan social, elle affecte les relations familiales, professionnelles et conjugales, ce qui en fait un facteur de précarité important.

En France, le tabac reste la première cause d'addiction et sa consommation est responsable de plus de 70 000 décès par an. La consommation d’alcool avec ou sans dépendance est responsable également de plus de 40 000 morts. Ces chiffres rappellent que les dégats des addictions ne concernent pas seulement les drogues ilicites.

Le traitement de l’addiction : un processus multidisciplinaire

Soigner une addiction ne se limite pas au sevrage de la substance ou du comportement, l’important est d’organiser et de construire la vie d’après, sans l’addiction. Il est essentiel de comprendre et traiter les causes profondes associées et de trouver une manière de réinvestir la place que l’addiction prenait dans la vie pour une amélioration durable et stable. La prise en charge doit donc être globale et intégrative, impliquant différents professionnels : médecins généralistes, psychiatres, psychologues, addictologues, infirmiers, mais aussi groupes de soutien, groupes de parole, pair-aidance, qu’on va largement développer dans ce programme.

Les stratégies de prise en charge incluent parfois des traitements mais surtout des psycho-thérapies, et également une véritable “boîte à outils” du quotidien : techniques de relaxation, sport, méditation, personne ressource, activités manuelles, animaux de compagnie… pour aider à gérer le craving et prévenir les rechutes.

Sensibiliser pour mieux prendre en charge

Il est temps de libérer la parole sur l’addiction, une maladie trop souvent stigmatisée voire sous estimée. Comprendre qu'il s'agit d'une pathologie chronique, complexe, et non d'un manque de volonté, est essentiel pour apporter des solutions efficaces. Parler d'addiction, c'est aussi sensibiliser à la nécessité d'une approche bienveillante, humaine, et multidisciplinaire dans la prise en charge.

Si nous avons tous autour de nous quelqu’un souffrant d’addiction, il ne tient qu’à nous de faire un petit pas, qui pourrait s’avérer décisif pour eux.

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